Qui était réellement Ebrahim Raïssi, président iranien au cœur du pouvoir décédé dans un crash aérien — parcours, influence et zones d’ombre d’une figure clé du régime

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Le monde apprend avec stupeur la disparition du président iranien Ebrahim Raisi, décédé ce dimanche dans un crash d’hélicoptère dans le nord-ouest montagneux de l’Iran. L’appareil, qui transportait également le ministre des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian, s’est abîmé dans des conditions météorologiques extrêmes. Cette disparition soudaine plonge la République islamique dans une crise de gouvernance majeure et ouvre une période d’incertitude profonde sur la scène internationale, dans un contexte régional déjà extrêmement tendu.

Les équipes de secours, après des heures de recherches rendues difficiles par le brouillard et le froid, ont localisé l’épave. Aucun survivant n’a été retrouvé. Le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, a rapidement assuré que « la gestion des affaires du pays ne sera pas perturbée », annonçant que le premier vice-président, Mohammad Mokhber, assumerait l’intérim. La Constitution prévoit en effet l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle dans un délai de cinquante jours.

La mort de Raisi, figure clé de l’establishment conservateur et ultra-orthodoxe, intervient à un moment critique. Son mandat était marqué par une répression féroce des dissidents, une impasse sur le dossier nucléaire et un rapprochement stratégique avec Moscou et Pékin. Récemment, l’Iran avait fait une démonstration de force sans précédent en lançant une attaque directe de drones et de missiles contre Israël, escaladant le conflit par procuration.

Ebrahim Raisi, né en 1960 à Mashhad dans une famille religieuse, était un pur produit du système théocratique iranien. Formé dans les séminaires de Qom, il intégra très jeune l’appareil judiciaire au lendemain de la Révolution de 1979. Son ascension fut rapide, portée par une loyauté absolue envers le régime et une réputation d’intransigeance. Il gravita rapidement dans l’orbite du fondateur de la République, l’ayatollah Khomeini.

C’est en 1988 que son nom s’est inscrit dans les pages les plus sombres de l’histoire iranienne. À 28 ans, il fut l’un des quatre membres d’une « commission de la mort » chargée d’appliquer la fatwa de Khomeini ordonnant l’exécution sommaire des prisonniers politiques. Des milliers de membres de l’opposition, principalement des Moudjahidine du peuple (OMPI), furent pendus en quelques mois. Raisi n’a jamais exprimé de regrets pour ces massacres.

Cette sombre besogne scella son destin politique. Protégé par les plus hautes sphères, il devint procureur général de Téhéran, puis chef du système judiciaire. Homme de l’ombre pendant des décennies, il émergea sur le devant de la scène pour l’élection présidentielle de 2017, qu’il perdit face au modéré Hassan Rohani. Il remporta finalement le scrutin de 2021, marqué par une abstention record et l’éviction de tous ses rivaux sérieux.

Son passage à la présidence fut caractérisé par un durcissement idéologique et sécuritaire. La répression du mouvement de protestation déclenché par la mort de Mahsa Amini en 2022 fut brutale, faisant des centaines de morts. Sur le plan international, il a approfondi l’axe de la « Résistance » et accéléré le programme nucléaire, tout en maintenant une rhétorique virulente contre l’Occident et Israël.

Sa disparition ouvre une bataille de succession cruciale au sein du régime. Considéré comme un potentiel successeur au guide suprême Ali Khamenei, âgé et malade, sa mort rebat totalement les cartes. Les factions conservatrices et ultra-conservatrices vont s’affronter pour imposer leur candidat, dans un contexte de mécontentement social latent et de pression économique extrême due aux sanctions.

La région retient son souffle. L’Iran est un acteur central au Proche-Orient, soutenant des proxies comme le Hezbollah au Liban ou les Houthis au Yémen. Toute instabilité interne à Téhéran pourrait avoir des répercussions imprévisibles sur ces groupes et sur l’équilibre des forces. Les capitales occidentales et israéliennes suivent la situation avec la plus grande vigilance.

Les réactions internationales commencent à affluer. La Russie et la Chine, partenaires stratégiques de Téhéran, ont présenté leurs condoléances. Les pays du Golfe, dont l’Arabie saoudite avec laquelle l’Iran avait rétabli des relations sous sa présidence, ont également réagi. Les États-Unis et les puissances européennes, tout en marquant le deuil, observent avant tout les implications sécuritaires de cette vacance du pouvoir.

La période qui s’ouvre est des plus périlleuses pour l’Iran. Le régime doit organiser une élection express tout en gérant une transition délicate au sommet de l’État. La légitimité déjà érodée du système sera mise à rude épreuve. La question de la continuité de la ligne ultra-conservatrice et anti-occidentale, dont Raisi était le fer de lance, se pose désormais avec acuité.

L’héritage d’Ebrahim Raisi reste celui d’un homme de fer, symbole de la faction la plus dure du régime. Son parcours, du tribunal révolutionnaire à la présidence en passant par les sinistres prisons de 1988, incarne la trajectoire d’un système construit sur la révolution et la répression. Sa mort accidentelle, dans la brume des montagnes iraniennes, laisse un vide que ses pairs tenteront de combler dans la plus grande opacité. L’avenir immédiat de l’Iran s’écrira dans cette incertitude.