Paris, ce jour – Une exposition exceptionnelle au Musée de l’Homme à Paris plonge dans l’énigme millénaire des momies, révélant des pratiques qui défient le temps et interrogent notre rapport à l’éternité. Le parcours débute par un événement historique : l’accueil en urgence, en 1976, de la momie de Ramsès II, rongée par des champignons après son exposition au Caire.

La France, forte de ses spécialistes, s’était portée volontaire pour sauver le pharaon. Transportée sous escorte, la dépouille fit même une halte symbolique à la place de la Concorde, devant l’obélisque érigé sous son propre règne. Un traitement par irradiation aux rayons gamma à Saclay lui permit de retrouver un état stable après huit mois d’études intensives.
Cette intervention spectaculaire souligne la fragilité de ces vestiges, pourtant conçus pour durer. Les Égyptiens, champions incontestés de la momification il y a déjà 5000 ans, croyaient que la préservation du corps était essentielle pour que l’âme accède à l’au-delà. Leur rituel sophistiqué durait soixante-dix jours.

Le processus impliquait l’éviscération, le dessèchement au natron, puis un rembourrage et l’enveloppement dans des bandelettes de lin. Cette technique, d’abord réservée aux pharaons, s’est peu à peu démocratisée. Des dizaines de milliers de momies égyptiennes sont aujourd’hui répertoriées, trésors nationaux exposés au nouveau Musée national de la civilisation égyptienne au Caire.
Cependant, l’Égypte n’a pas l’exclusivité de ces pratiques. Les plus anciennes momies connues, vieilles de 7000 ans, proviennent de la culture Chinchorro au Chili. Leurs méthodes différaient, incluant le retrait et le séchage de la peau. Ailleurs, les Guanches des Canaries utilisaient des peaux de chèvre, et au Japon, des moines pratiquaient une auto-momification extrême et ritualisée.
Certaines momies, dites naturelles, sont le fruit du hasard. Ötzi, l’homme des glaces découvert dans les Alpes, a été préservé plus de 5000 ans par le froid. Dans les tourbières acides du nord de l’Europe ou les déserts arides, l’environnement a aussi agi comme un conservateur accidentel, bloquant l’activité microbienne.

Mais ces corps anciens nécessitent des soins constants. Pascal, archéologue et médecin, commissaire de l’exposition, explique que l’entretien est minutieux. “On procède essentiellement à du dépoussiérage avec des micro-aspirateurs. Les interventions massives, comme pour Ramsès II, restent rares. L’objectif est de stabiliser, non de restaurer”, précise-t-il.
Ces dépouilles sont des archives inestimables. “Elles nous renseignent sur les rites funéraires, la mode, les coiffures, les tatouages, mais aussi sur les maladies anciennes ou le dernier repas. Leur état de conservation permet des analyses ADN ou isotopiques souvent impossibles sur un squelette”, ajoute l’expert.
Une question surgit alors : peut-on encore se faire momifier aujourd’hui ? En France, la réponse est non. Toute technique visant à conserver indéfiniment un corps est illégale, car contraire au principe de respect de la dépouille. Le Code civil l’interdit explicitement.
Pour les passionnés déterminés, une seule option existe : Salt Lake City, aux États-Unis. L’église Summum, fondée par Claude “Corky” Ra, s’inspire des rites égyptiens et propose ce service pour la somme de 60 000 euros. Curieusement, à ce jour, une seule momie humaine y a été réalisée : celle de son fondateur, décédé en 2008.
En revanche, plus de 600 animaux de compagnie y ont subi le processus. L’exposition parisienne, au-delà de l’histoire, invite ainsi à une réflexion sur notre désir d’éternité et les limites éthiques et légales qui l’encadrent désormais. Les momies, témoins silencieux du passé, continuent de fasciner et de questionner notre futur.