Apollo 11 aurait-il été sauvé par une simple petite fille — une histoire méconnue et troublante qui interroge le récit officiel de la mission la plus célèbre de la conquête spatiale

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La conquête spatiale américaine révèle ses héroïnes oubliées : des mathématiciennes afro-américaines et une informaticienne ont été les pierres angulaires des programmes Mercury et Apollo, leur génie sauvant des missions et ouvrant la voie à la Lune.

Une nouvelle lumière est projetée sur l’épopée lunaire américaine, dévoilant le rôle décisif de femmes extraordinaires longtemps restées dans l’ombre. Leur histoire, tissée de ségrégation et de patriarcat, est celle d’un combat intellectuel mené pour propulser l’humanité vers les étoiles.

Dorothy Vaughan, Katherine Johnson et Mary Jackson, trois mathématiciennes afro-américaines, ont forgé les succès de la NASA depuis ses prémices au sein du NACA. Leur parcours, dans une Amérique des années 40 et 50 marquée par la ségrégation raciale, est en soi une prouesse. Diplômées brillantes, elles ont intégré les équipes de “calculatrices humaines”, effectuant à la main les équations complexes nécessaires à l’aéronautique puis à l’astronautique.

Leur travail empirique, fastidieux et essentiel, consistait à analyser des masses de données issues des souffleries et des premiers vols. Confinées dans la “zone Ouest” du centre de recherche Langley, elles ont surmonté les humiliations quotidiennes de la ségrégation pour s’imposer comme des éléments indispensables aux ingénieurs, souvent réticents à leur confier des responsabilités.

Dorothy Vaughan, promue cheffe de l’unité de calcul en 1951 après une lutte de deux ans pour la reconnaissance officielle de son poste, a anticipé la révolution numérique. Apprenant seule le langage de programmation FORTRAN, elle a formé ses consœurs à l’utilisation des premiers ordinateurs IBM, assurant ainsi la pérennité de leur expertise face à la machine.

Katherine Johnson, recrutée en 1953, s’est rapidement distinguée par son génie analytique. En 1960, elle rédige la note technique fondatrice décrivant les équations d’un vol orbital. Son talent sauvera la mission de John Glenn en 1962 : méfiant envers les nouveaux ordinateurs, l’astronaute exigea qu’elle vérifie personnellement tous les calculs de trajectoire avant son décollage historique.

Mary Jackson, après avoir dû obtenir une dérogation pour suivre des cours dans une école réservée aux Blancs, devint en 1958 la première ingénieure afro-américaine de la NASA. Ses travaux sur la mécanique des fluides ont directement contribué aux avancées aéronautiques cruciales pour les capsules spatiales.

Pendant ce temps, un autre front de l’exclusion se jouait avec le programme “Mercury 13”. Treize pilotes d’essai civiles, dont Jerrie Cobb et Jane Briggs, subirent avec succès les mêmes tests physiques et psychologiques que les “Mercury Seven”. Leurs performances, souvent supérieures, ne suffirent pas : la NASA, soutenue par le Congrès, mit fin à l’initiative, réservant l’espace aux hommes.

L’apogée de cette contribution féminine invisible se situe lors du programme Apollo. Katherine Johnson supervisa les calculs de trajectoire critiques pour le rendez-vous en orbite lunaire entre le module de commande et le module lunaire, un défi qu’elle considérait comme son plus grand accomplissement. Ses équations, écrites des années auparavant, guidèrent précisément la fusée Saturn V et le vaisseau Apollo 11.

Dans le même temps, Margaret Hamilton, une informaticienne de 27 ans au MIT, dirigeait l’équipe qui développait le logiciel de navigation embarqué. Une anecdote révélatrice illustre son impact : sa fille de 4 ans, en jouant sur un simulateur, fit planter le système en activant par erreur le programme d’atterrissage en plein vol.

Malgré les moqueries sur l’improbabilité qu’un astronaute commette la même erreur, l’incident se reproduisit lors d’Apollo 8. Hamilton implémenta alors une architecture logicielle priorisant les tâches essentielles. Cette innovation sauva Apollo 11 lorsque, à trois minutes de l’alunissage, l’ordinateur de bord, saturé par un radar mal configuré, évita le plantage grâce à ses sécurisations.

Leur héritage est aujourd’hui pleinement reconnu. Mary Jackson (décédée en 2005) et Katherine Johnson (décédée en 2020 à 101 ans) ont reçu à titre posthume la Médaille d’or du Congrès. Le siège de la NASA à Washington porte le nom de Mary Jackson, et un centre de recherche celui de Katherine Johnson. Dorothy Vaughan (décédée en 2008) a reçu les mêmes honneurs.

Cette révision de l’histoire rappelle que la course à la Lune ne fut pas seulement l’affaire d’astronautes et d’ingénieurs hommes. Elle fut aussi gagnée par l’intelligence et la persévérance de centaines de femmes, dont le génie a calculé, programmé et sécurisé chaque pas de ce bond de géant pour l’humanité. Leur triomphe sur les préjugés fait partie intégrante de l’exploit.