Une enquête scientifique de pointe, combinant analyses génétiques et imagerie de précision, vient de percer l’un des plus grands mystères de l’Égypte ancienne. Elle écarte une candidate majeure pour le titre de reine disparue et expose une réalité brutale faite d’inceste, de meurtre et d’effacement systématique.

Pendant des décennies, une momie anonyme surnommée “la Jeune Dame” fut suspectée d’être la légendaire Néfertiti. Découverte dans la tombe d’Amenhotep II (KV35), cette dépouille royale non identifiée a alimenté tous les espoirs. Une étude génétique révolutionnaire publiée en 2010 a définitivement clos ce débat, avec des résultats aussi précis que glaçants.
Le séquençage ADN a établi que la Jeune Dame était la mère biologique du pharaon Toutânkhamon. Le choc est venu de la seconde révélation : elle était également la sœur germaine du père de l’enfant-roi, identifié comme étant le pharaon Akhenaton. Toutânkhamon est donc le produit d’une union incestueuse entre frère et sœur, pratique destinée à préserver la pureté divine du sang royal.
Ce profil génétique exclut catégoriquement Néfertiti. La momie KV35YL est la fille d’Amenhotep III et de la reine Tiyi. Néfertiti, elle, n’a jamais porté le titre de “fille de roi” nécessaire pour correspondre à cette filiation. La mère du célèbre pharaon était une puissante femme de la famille amarnienne, mais son nom véritable est perdu.
La science a cependant pu raconter sa fin. Les scanners CT de la Jeune Dame ont révélé un traumatisme facial perimortem dévastateur. Un coup violent porté au visage a écrasé sa mâchoire et son os de la joue, une blessure probablement mortelle causée par un objet contondant. Cela évoque une exécution ciblée, un meurtre politique.
Cette femme, lien crucial pour le trône, est morte vers 25 ans lors des troubles suivant la révolution d’Akhenaton. Sa mort violente illustre la férocité des luttes de pouvoir pour éradiquer l’héritage amarnien et restaurer l’ancien ordre religieux. Si la mère du roi fut ainsi éliminée, qu’adviendra-t-il de l’épouse royale elle-même ?
Le destin de Néfertiti doit donc se lire non dans son ADN, mais dans sa disparition politique. Elle s’évanouit des archives vers la 12e année du règne d’Akhenaton, sans mention de funérailles. Une théorie majeure, défendue par l’égyptologue Nicholas Reeves, suggère qu’elle ne mourut pas alors, mais régna comme pharaon féminin sous le nom de Néfernéférouaton.
Des preuves épigraphiques étayent cette idée. Des objets dans la tombe de Toutânkhamon portent des cartouches modifiées, originellement gravées pour un souverain utilisant des épithètes féminines spécifiques, traduites par “bénéfique pour son époux”. Néfertiti aurait ainsi assumé le pouvoir suprême pour gérer la crise successorale.
Son règne fut bref. Celui de Toutânkhamon qui suivit révèle l’ampleur du chaos. Sa tombe (KV62), petite et modeste, fut réaménagée à la hâte. Ses trésors, dont un pectoral magnifique, furent en grande partie recyclés d’objets funéraires antérieurs, ceux de la pharaonne Néfernéférouaton, dont le nom fut soigneusement remplacé.

La crise culmina après la mort de Toutânkhamon. Sa veuve, Ankhesenamon, fille de Néfertiti, écrivit au roi hittite Suppiluliuma Ier pour lui demander un fils en mariage, faute d’héritier en Égypte. Le prince hittite envoyé, Zananza, fut assassiné en route. Cet acte scelle l’extinction définitive de la lignée amarnienne.
La quête du tombeau de Néfertiti s’est alors tournée vers la tombe de son beau-fils. En 2015, Reeves émit l’hypothèse que des portes secrètes dans la KV62 menaient à une chambre plus vaste, celle de la reine. Des scans radar semblant montrer des cavités suscitèrent un immense espoir.
Une investigation radar exhaustive menée en 2018 par une équipe internationale a fermement infirmé cette théorie. Les données ne montrent aucune trace de chambres ou de couloirs cachés derrière les parois de la tombe de Toutânkhamon. La piste s’est éteinte, laissant la sépulture de Néfertiti aussi insaisissable que jamais.

Son image la plus célèbre dissimule elle-même une tromperie. Le buste iconique de Berlin, chef-d’œuvre du sculpteur Thoutmôsis, a été scanné en 2009. Les images ont révélé un visage de calcaire interne, plus naturel, avec des rides et un nez plus prononcé, recouvert d’une couche de stuc pour créer une perfection lisse et idéalisée.
Ce buste n’était pas un portrait, mais un instrument de propagande. Dans l’Égypte instable d’Amarna, elle projetait une image de stabilité et de perfection divine immuable. La réalité humaine de la reine fut littéralement recouverte pour servir un message politique.
Néfertiti demeure ainsi une absence magistralement construite. Elle n’est pas la Jeune Dame assassinée. Elle ne se cache pas derrière la tombe de Toutânkhamon. Même son portrait le plus fameux est une illusion soigneusement façonnée. Son histoire est celle d’un effacement presque parfait, où la mémoire elle-même fut une arme.
La damnatio memoriae qui suivit la chute d’Amarna fut si totale qu’elle transforma une reine omniprésente en un fantôme. Pourtant, les outils qui ont révélé ce processus – la génétique, l’imagerie 3D, le radar – gardent la capacité de la ramener à la lumière. Son corps repose peut-être encore dans une chambre anonyme, attendant que la science achève de défaire l’œuvre millénaire de ses ennemis.