Une expérience médiévale atroce refait surface : Frédéric II et la quête de la langue originelle
Une révélation historique glaçante resurgit des chroniques du XIIIe siècle, mettant en lumière les méthodes barbares parfois employées au nom de la connaissance. L’empereur Frédéric II de Hohenstaufen, souverain érudit et controversé, aurait commandité une expérience inhumaine sur des nouveau-nés pour découvrir la langue première de l’humanité.
Selon les écrits du chroniqueur franciscain Salimbene de Adam, grand détracteur de l’empereur, ce dernier aurait fait élever des enfants dans un isolement total. Personne n’avait le droit de leur adresser la parole ni de leur montrer la moindre affection. L’objectif macabre était d’observer quelle langue ils développeraient « naturellement », supposée être la langue divine originelle.
Les résultats, rapportés avec une froideur troublante, furent catastrophiques. Les nourrissons, privés de tout contact humain et de stimulation langagière, seraient tous morts sans avoir jamais prononcé un mot. Cette tentative relève d’une conception scientifique médiévale où la vérité était souvent cherchée dans les textes sacrés par l’expérimentation extrême.
Frédéric II, roi de Sicile et empereur du Saint-Empire romain germanique, était un monarque d’une curiosité intellectuelle insatiable. Entouré de savants comme le mathématicien Fibonacci, ses méthodes et sa libre pensée lui valurent l’excommunication par la papauté à deux reprises. Ses opposants le dépeignirent comme un hérétique, utilisant peut-être cette expérience pour le discréditer.
Cette quête de la langue adamique n’était pourtant pas nouvelle. Dès le Ve siècle avant J.-C., l’historien Hérodote rapportait une légende similaire attribuée au pharaon Psammétique Ier. Ce dernier aurait confié deux enfants à un berger muet pour voir quelle langue ils parleraient, prétendument le phrygien. Le débat enflamma les théologiens juifs, chrétiens et musulmans pendant des siècles.
L’horrible récit de Frédéric II pose une question scientifique et éthique fondamentale : peut-on acquérir le langage sans exposition sociale ? Les cas modernes d’enfants dits « sauvages », comme Victor de l’Aveyron ou Genie aux États-Unis, apportent des éléments de réponse tragiques. Ces enfants, privés de tout lien humain durant leur enfance, n’ont jamais pu maîtriser un langage pleinement structuré.
Leur développement, bien documenté par la psycholinguistique, montre qu’au-delà d’un certain âge critique, l’acquisition d’une syntaxe complexe devient quasi impossible. Ces observations alimentent le débat séculaire entre inné et acquis, entre la théorie nativiste d’une grammaire universelle et les approches soulignant l’importance cruciale de l’interaction sociale.
L’authenticité de l’expérience de Frédéric II reste sujette à caution. Salimbene de Adam, son unique source, était un ennemi politique nourrissant une haine féroce envers l’empereur qu’il considérait comme l’Antéchrist. L’anecdote pourrait bien être une calomnie, une arme de propagande médiévale visant à diaboliser un rival du pouvoir papal.
Néanmoins, la persistance de ce récit à travers les âges révèle une fascination morbide pour les limites de l’expérimentation humaine. Elle illustre les terribles excès auxquels peut conduire la recherche de savoir, lorsqu’elle est détachée de toute considération éthique. Cette sombre page interroge les fondements mêmes de notre humanité et du langage qui la construit.
Aujourd’hui, la science linguistique explore ces questions avec des méthodes radicalement différentes, analysant l’émergence des créoles ou le développement infantile. La quête de compréhension continue, mais dans le strict respect de l’intégrité des personnes. L’ombre de l’expérience attribuée à Frédéric II sert de rappel sinistre sur la nécessité de garde-fous éthiques absolus.
La légende, qu’elle soit véridique ou inventée, demeure un puissant symbole des dangers d’une science sans conscience. Elle nous force à réfléchir aux sacrifices humains qui ont pu être justifiés au nom du progrès, et à la responsabilité qui incombe à tout chercheur. L’histoire, parfois, est un laboratoire dont les leçons sont écrites avec une encre indélébile de souffrance.
